Département d'Anesthésie, Réanimation Chirurgicale, SAMU
XIIème journée normande d'anesthésie-réanimation
Intoxications graves par les cardiotropes J.-L. Gérard1, P. Lehoux1, O. Lepage2 Conférences d'actualisation 2002, p. 555-571. 2002 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS, et Sfar. Tous droits réservés. 1 Département d'anesthésie réanimation et de médecine d'urgence ; 2 service de chirurgie thoracique et cardiovasculaire, CHU Côte de Nacre, 14033 Caen cedex, France
· La mortalité globale des intoxications n'excède pas habituellement 1 %, mais elle peut
atteindre 15 à 20 % au cours des intoxications par cardiotropes.
· Il existe une surmortalité nette induite par les molécules présentant un effet stabilisant de
· Parmi les intoxications aux bêtabloquants, le propranolol est le médicament le plus
fréquemment rencontré (44 %), mais il est aussi à l'origine du plus grand nombre de décès
· Les facteurs de gravité des intoxications aux polycycliques sont : le type de l'antidépresseur
ingéré, un coma profond avec nécessité d'une assistance respiratoire, l'apparition de crises
convulsives et/ou d'un état de mal épileptique, la survenue de troubles du rythme ventriculaire
menaçants et d'une hypotension artérielle.
· Le vérapamil et le diltiazem se montrent les molécules les plus cardiodépressives.
· Ce sont les intoxications par le vérapamil qui ont le plus mauvais pronostic avec une
mortalité de 25 % contre 7,4 et 7,1 % respectivement pour le diltiazem et la nifédipine.
· Le maintien d'une pression de perfusion systémique pendant la période critique initiale
permet de diminuer les concentrations du toxique au niveau des organes cibles en
maintenant ou en augmentant son élimination hépatique et/ou rénale.
· La durée de massage cardiaque au cours des arrêts cardiocirculatoires dus aux
intoxications aux cardiotropes n'est pas un facteur pronostique.
· Une organisation conduisant à une coordination préalable entre les différentes équipes
médicochirurgicales est la seule garante de succès éventuels.
Les troubles cardiocirculatoires au cours des intoxications représentent la première cause de gravité et de mortalité. La mortalité globale des intoxications n'excède pas habituellement 1 % mais elle peut atteindre 15 à 20 % au cours des intoxications par cardiotropes [1]. Les mécanismes de ces défaillances cardiocirculatoires sont très polymorphes et, pour un même toxique, plusieurs mécanismes sont souvent impliqués. L'existence d'une pathologie sous-jacente, d'une intoxication polymédicamenteuse rend leur interprétation plus difficile.
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Au cours d'une intoxication, la défaillance circulatoire peut être due à deux mécanismes principaux. Le toxique peut agir : - soit de manière indirecte, par l'intermédiaire d'une insuffisance respiratoire, d'un trouble métabolique, d'une hypovolémie, d'une hypothermie, d'une complication septique ; - soit de manière directe, sur les variables du système cardiocirculatoire, en modifiant la contractilité, la fréquence cardiaque, les résistances vasculaires systémiques ou le retour veineux. Les mécanismes d'action indirecte sont l'apanage des médicaments associés aux cardiotropes lors de l'intoxication, le caractère polymédicamenteux aggravant d'autant le pronostic. Selon le mécanisme d'action principal, on peut distinguer différentes catégories de toxiques ayant une toxicité cardiovasculaire. Le principal mécanisme étant représenté par l'effet stabilisant de membrane.
EFFET STABILISANT DE MEMBRANE
L'effet stabilisant de membrane est la conséquence de l'interaction non spécifique de certaines substances lipophiles avec les lipoprotéines de la bicouche phospholipidique des membranes cellulaires, entraînant une altération de ses propriétés électrophysiologiques [2] [3]. Cette action est principalement médiée par l'inhibition du canal sodique responsable du courant sodique entrant rapide (phase 0 du potentiel d'action) [2] [4]. La dépolarisation de la membrane plasmique est secondaire à la diffusion passive des ions Na+ au travers des canaux sodiques, en suivant le gradient de concentration transmembranaire. La repolarisation rapide qui suit résulte alors successivement de l'inactivation des canaux sodiques (phase 1), d'un courant calcique entrant (phase 2) puis du courant potassique sortant (phase 3). Cette propriété, partagée par un certain nombre de xénobiotiques, est également appelée effet anesthésique local ou effet « quinidine-like ». Elle contribue à l'action pharmacologique de certaines molécules, tels les agents anesthésiques, sédatifs ou antiarythmiques [2] [3]. Pour d'autres molécules, l'effet stabilisant de membrane n'apparaît qu'aux doses élevées, en situation d'intoxication ou de surdosage. Il est alors responsable de troubles cardiovasculaires sévères et d'une surmortalité nette [5] [6]. L'effet stabilisant de membrane concerne toutes les cellules excitables et où le potentiel d'action joue un rôle fonctionnel important. Le blocage de l'influx sodique entraîne une diminution de la vitesse d'ascension du potentiel d'action, un allongement de sa durée, un ralentissement de sa vitesse de propagation et une prolongation des périodes réfractaires [7]. Il en résulte alors une augmentation des seuils d'excitabilité, une réduction de la capacité de conduction et de l'automaticité. Cet effet stabilisant de membrane apparaît non seulement au niveau des cellules du tissu musculaire contractile et du tissu nodal conductif du myocarde, mais également au niveau des cellules du système nerveux central, voire d'autres tissus. La toxicité liée à cet effet intervient dès lors qu'il touche aux fonctions vitales de l'organisme, à savoir aux fonctions cardiocirculatoires, respiratoires et/ou neurologiques. De nombreux médicaments possèdent un effet stabilisant de membrane, à dose thérapeutique ou toxique, notamment [8] : - tous les anti-arythmiques de la classe I de Vaughan Williams : quinidine, lidocaïne, phénytoïne, mexilétine, cibenzoline, tocaïnide, procaïnamide, disopyramide, flécaïnide et propafénone ;
- des -bloquants comme le propranolol, l'acébutolol, le nadoxolol, le pindolol, le penbutolol, le labétalol et l'oxprénolol ; - les antidépresseurs polycycliques : l'amitriptyline, l'imipramine, la clomipramine, la dothiépine et la maprotiline ; - la carbamazépine ; - les phénothiazines et particulièrement la thioridazine ; - des antalgiques comme le dextropropoxyphène ;
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- des antipaludéens comme la chloroquine ou la quinine [9] ; - un stupéfiant, la cocaïne.
TABLEAU CLINIQUE
L'intoxication grave par médicament à effet stabilisant de membrane est à l'origine d'un tableau clinique associant des troubles neurologiques, respiratoires, cardiovasculaires et métaboliques [10]. · Troubles neurologiques : coma volontiers convulsif, il manque souvent dans les intoxications par les produits cardiotropes purs tels que les antiarythmiques et les bêtabloquants. · Troubles respiratoires : la dépression respiratoire liée au coma est habituellement modérée, en l'absence de médicament associé. Les intoxications graves par les bêtabloquants lipophiles (ex : propranolol) se caractérisent cependant par la possibilité de survenue d'une apnée centrale [11]. Par ailleurs, l'hypoxie et l'acidose aggravent l'effet stabilisant de membrane sur le cœur [12]. Dans les formes graves un syndrome de détresse respiratoire de l'adulte peut être observé, en l'absence d'inhalation. · Troubles cardiovasculaires : ils sont complexes et associent à des degrés divers des effets directs et indirects. L'effet cardiaque indirect résulte des propriétés anticholinergiques de certains médicaments à effet stabilisant de membrane (quinidine, cibenzoline, antidépresseurs polycycliques) et provoque une tachycardie sinusale. Les effets directs résultent de l'effet stabilisant de membrane sur les cellules myocardiques et les cellules musculaires lisses. Sur le plan électrophysiologique, l'effet stabilisant de membrane s'exprime habituellement et précocement par un allongement de l'espace QT (qui manque dans les intoxications par les antiarythmiques de classe IC). Mais le signe le plus caractéristique est une augmentation de la durée des complexes QRS. Il peut s'y associer des troubles de la conduction auriculo-ventriculaire qui sont toujours le signe d'une intoxication grave. À ces modifications électrophysiologiques s'associe un collapsus essentiellement cardiogénique, mais avec une composante de vasoplégie artérielle. · Troubles métaboliques : en plus de l'hypoxie et de l'acidose respiratoire, il s'y associe dans les formes graves une part d'acidose métabolique de type lactique, secondaire au collapsus ou à des convulsions répétées, une hypokaliémie de transfert, précoce et transitoire. Cette hypokaliémie est particulièrement marquée dans les intoxications graves par la chloroquine [13]. Une hypoglycémie a été quelques fois rapportée lors des intoxications par le disopyramide, le dextropropoxyphène et les bêtabloquants.
GRAVITÉ PARTICULIÈRE DES INTOXICATIONS PAR MÉDICAMENTS À EFFET STABILISANT DE MEMBRANE
Ces médicaments sont largement prescrits, certains sont des antidépresseurs. Ceci explique qu'ils sont fréquemment rencontrés dans les intoxications médicamenteuses volontaires de l'adulte. Une étude épidémiologique, réalisée dans les années 1980 au Royaume-Uni concernant les intoxications médicamenteuses, a montré qu'il existe dans chaque classe pharmacologique une surmortalité induite par les molécules présentant un effet stabilisant de membrane [6]. L'analyse de la littérature et de séries non publiées montre que la mortalité est fonction de la classe de médicaments à effet stabilisant de membrane et qu'au sein de chaque classe, elle est le fait de certaines molécules particulières [6] [7].
Une étude allemande rétrospective a essayé de déterminer les facteurs de gravité des intoxications par les antiarythmiques de classe IC [14]. Cette étude a porté sur 120 cas d'intoxications monomédicamenteuses par propafénone (34 cas), flécaïnide (25 cas), ajmaline (12 cas) et prajmaline (47 cas). Le délai d'apparition des troubles cardiaques allait de 30 à 120 minutes après l'ingestion. La mortalité moyenne était de 22,5 % (extrêmes : 8 à 36 %). Pour chaque médicament, il n'y avait pas de corrélation entre la dose ingérée et la mortalité ; 29 patients ont bénéficié d'une réanimation cardiopulmonaire et spécifique (100 mL de bicarbonate de sodium molaire), mais elle n'a été efficace que dans deux cas. Huit patients présentant une bradycardie ou des brady-arythmies ont reçu du bicarbonate de sodium molaire qui a été efficace.
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Le centre anti-poisons de Paris a rapporté une série de 38 cas d'intoxication par l'ajmaline dont neuf décès (24 %) [15]. Les auteurs ont pu dégager une relation dose-effet entre les conditionnements disponibles à l'époque et le taux de survenue d'arrêt cardiaque [16].
Dans une étude prospective de cohorte, portant sur 280 expositions aux bêtabloquants, 15 % ont présenté des signes de cardiotoxicité et 1,4 % sont décédés [17]. Le facteur prédictif de survenue des signes cardiovasculaires était une intoxication associée par un médicament cardiotoxique. Lorsque les poly-intoxications étaient exclues, seuls les bêtabloquants possédant un effet stabilisant de membrane étaient à l'origine d'une morbidité cardiovasculaire [17]. Une étude rétrospective a essayé de préciser les caractéristiques des intoxications mortelles par les bêtabloquants [18]. Cette étude, portant sur 52 156 expositions aux bêtabloquants, a été réalisée grâce à la banque de données des centres anti-poisons américains sur une période de 11 ans. Au total, 164 intoxications ont été fatales et, dans 38 cas, les bêtabloquants étaient impliqués comme la cause essentielle de la mort. Le propranolol était le médicament le plus fréquemment utilisé (44 %), mais il était aussi à l'origine du plus grand nombre de décès (71 %). Les patients décédés étaient des sujets jeunes, 92 % avaient moins de 50 ans. Les arythmies les plus fréquemment observées étaient une bradycardie et une asystolie. Il faut souligner qu'un arrêt cardiaque est survenu au cours de l'hospitalisation dans 59 % des cas. Dans une étude prospective, portant sur 58 intoxications par les bêtabloquants et comportant deux décès, des convulsions ont été observées mais uniquement avec le propranolol et 2/3 des patients, ayant ingéré plus de 2 g de propranolol, ont présenté des convulsions. Il existe une relation significative entre une durée du QRS > 100 ms et le risque de convulsions. Dans cette série, tous les décès étaient le fait du propranolol [19]. Des décès ont aussi été rapportés avec l'acébutolol, ils se caractérisent par un allongement de l'espace QT et des tachycardies ventriculaires non rapportées au cours des intoxications par le propranolol. Les études rétrospectives et prospectives montrent que les symptômes d'intoxication par bêta-bloquants apparaissent dans les 6 h qui suivent l'ingestion [17] [18] [19] [20]. Au total, concernant les bêtabloquants, les intoxications aiguës mortelles peuvent être observées aussi bien chez des sujets jeunes que des sujets ayant des antécédents cardiovasculaires. Les signes d'intoxication apparaissent dans les six heures qui suivent l'ingestion. La mortalité est le fait des bêtabloquants à effet stabilisant de membrane : propranolol ou acébutolol. Une dose ingérée supérieure à 2 g de propranolol est associée à des manifestations sévères. Il n'existe cependant pas de facteurs prédictifs du caractère réfractaire de l'intoxication au traitement médical.
Les intoxications par les antidépresseurs (tricycliques, tétracycliques, inhibiteurs de la recapture de la sérotonine et inhibiteurs de la monoamine oxydase) sont fréquentes, représentant environ 5 à 20 % des hospitalisations pour tentative d'autolyse médicamenteuse en Europe [21] [22] [23] [24]. Parmi elles, près de 80 % sont secondaires à l'ingestion de tricycliques avec une nette prédominance pour l'amitriptyline et la dothiépine. La mortalité hospitalière reste importante : Shah et al. [24] rapportent, en Grande Bretagne de 1993 à 1997, 20 % de décès secondaires à l'ingestion d'antidépresseurs dont environ 95 % dus aux tricycliques (l'amitriptyline et la dothiépine étant responsables respectivement de 50 et 30 % des intoxications fatales). Henry et al., de 1987 à 1992 et toujours au Royaume-Uni, rapportent que 82 % des décès sont liés à l'ingestion d'amitriptyline et de dothiépine [25]. Plusieurs éléments cliniques et paracliniques peuvent aider le praticien à évaluer la gravité de l'intoxication. Le type de l'antidépresseur ingéré, un coma profond avec nécessité d'une intubation pour assistance respiratoire, l'apparition de crises convulsives et/ou d'un état de mal épileptique, la survenue de troubles du rythme ventriculaire menaçants et une hypotension artérielle semblent constituer des éléments de gravité.
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Les antidépresseurs de première génération (imipramine et ses dérivés, amitriptyline, doxépine.) possèdent une cardiotoxicité prédominante. La maprotiline, antidépresseur tétracyclique, est aussi cardiotoxique que les tricycliques de première génération, mais présente la particularité d'engendrer des comas prolongés [24] [25] [26] [28]. L'apparition de complications (neurologiques et/ou hémodynamiques) dans les six heures qui suivent l'ingestion est un élément prédictif d'une intoxication sévère, avec possible récurrence des troubles (crises convulsives et hypotension) durant les 24 premières heures de la prise en charge [29] [30]. Le coma profond (grade III sur l'échelle de Matthew-Lawson Coma Scale ou un Glasgow Coma Scale < 8) d'installation rapide (moins de six heures) est pour Hultén et al. [29] un élément prédictif de sévérité (sensibilité = 65 % ; spécificité = 94 %). Pour Shah et al. [24] 72 % des intoxications aux antidépresseurs tricycliques sont isolées, la profondeur de ces comas n'est donc pas forcément liée à la prise concomitante de psychotropes sédatifs. Les crises convulsives sont souvent répétées, elles compliquent le tableau clinique et la prise en charge. Elles sont à l'origine d'une défaillance hémodynamique possiblement fatale, et majorent l'hypoxie, l'acidose métabolique, l'hyperthermie et la tachycardie, aggravant directement ou indirectement l'effet stabilisant de membrane. Sur 388 intoxications, selon Taboulet et al., 6,2 % des patients présenteront au moins un épisode de crise convulsive dans les 18 premières heures de la prise en charge et 12,5 % d'entre eux une défaillance hémodynamique majeure [27].
Il existe une corrélation entre l'analyse électrocardiographique et la survenue d'éventuels troubles convulsifs ou rythmiques. Boehnert et al. [30] montrent que l'élargissement du QRS, dans les heures qui suivent l'intoxication (< 6 heures), est prédictif de l'apparition de crises convulsives et/ou d'arythmies ventriculaires. Parmi les 49 patients, aucun ne développe de convulsion ou de trouble du rythme lorsque le QRS est inférieur à 100 ms ; les auteurs parlent de risque négligeable. Pour un élargissement compris entre 100 et 160 ms, 34 % des patients vont présenter des convulsions, mais le risque de faire un trouble du rythme ventriculaire reste peu important (14 %). En revanche, un QRS supérieur à 160 ms est hautement prédictif de troubles du rythme ventriculaire (50 %). Ces résultats ont été confirmés par Hultén et al. [29], qui montrent chez 67 patients, qu'un QRS supérieur ou égal à 100 ms est prédictif dans 33 % des cas de convulsions, dans 6,7 % des cas d'arythmies ventriculaires et dans 46,7 % des cas d'hypotension (sensibilité = 67 % ; spécificité = 60 %). Une autre équipe confirme que l'élargissement du QRS (QRS > 100 ms) accroît le risque de crises convulsives et de défaillance hémodynamique [27]. D'autres critères électrocardiographiques prédictifs de gravité ont également été rapportés. Une déviation axiale des 40 dernières millisecondes (T40-ms) du QRS supérieure à 120o (de 120o à 270o) est un élément prédictif d'une intoxication sévère (sensibilité = 83 % ; spécificité = 63 %) [31]. La corrélation entre sévérité clinique et concentration plasmatique n'est pas claire. Pour certains, une
concentration plasmatique de 1 000 g·L-1 de composés tricycliques et de ses métabolites actifs est à l'origine d'une majoration des complications cliniques (21 % de convulsions ; 5,4 % de troubles du rythme ventriculaire ; 37,8 % d'hypotension) [29]. Pour d'autres auteurs, on ne trouve pas de parallélisme entre la gravité du tableau clinique et la concentration plasmatique des composés tricycliques [10].
La large prescription d'antalgique contenant du dextropropoxyphène et la toxicomanie à ce produit existent depuis longtemps dans les pays anglo-saxons et nordiques. Ces deux phénomènes ont été à l'origine de rapports de cas d'intoxications mortelles dans ces pays [32] [33] [34] [35].
Une revue des cas publiés d'intoxication mortelle par la chloroquine a montré que le meilleur critère prédictif de décès en terme de spécificité était une dose supposée ingérée de plus de 5 g (spécificité : 0,98). Ce critère a ensuite été validé dans une étude prospective [36]. Cette étude préliminaire a permis de valider sur 11 intoxications potentiellement mortelles l'efficacité d'un traitement associant intubation et
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ventilation contrôlée, adrénaline et diazépam, qui a diminué de façon significative la mortalité. L'efficacité de ce traitement a été confirmée par une étude rétrospective sur 167 intoxications aiguës dont 43 avaient ingéré une dose supérieure à 5 g [37]. Le taux de mortalité globale était de 8,4 %, et de 9,3 % dans le groupe des intoxications massives (NS). Cependant, dans cette série, 8 sur un total de 14 patients sont décédés dans un tableau de collapsus cardiovasculaire réfractaire au traitement optimal [37]. Le décès chez ces patients est survenu dans un délai de 5 à 51 h par rapport à l'admission.
Il existe une bonne corrélation entre la dose ingérée, la concentration sanguine et les manifestations cliniques [9].
L'intoxication expérimentale par inhibiteurs calciques chez l'animal provoque un collapsus cardiovasculaire ou un état de choc par vasodilatation et/ou altération de la contractilité myocardique, une bradycardie avec bloc auriculo-ventriculaire [38]. Le vérapamil et le diltiazem sont les molécules les plus cardiodépressives. La toxicité de ces produits est dose dépendante : dans une étude multicentrique de 134 cas d'intoxications par diltiazem, la dose toxique moyenne chez l'adulte était de 360 mg et les symptômes cardiovasculaires étaient présents pour des doses supérieures à 600 mg [39]. Une méta-analyse portant sur 49 observations d'intoxication par vérapamil, dont la dose ingérée est connue, montre une relation dose ingérée-toxicité, l'incidence de collapsus et d'arrêts circulatoires étant significativement plus élevée lorsque la dose ingérée est supérieure à 2 g [40]. Le tableau clinique réalisé par vérapamil ou diltiazem est celui d'un collapsus (80 % des cas) avec bradycardie et bloc auriculo-ventriculaire ou d'un choc cardiogénique. Celui réalisé par une intoxication par dihydropyridine est celui d'un collapsus avec tachycardie sinusale réactionnelle. La sélectivité des effets cardiovasculaires des différentes classes est plus marquée à dose pharmacologique qu'en cas d'intoxications massives ou associant d'autres cardiotropes. Ainsi, une intoxication par nifédipine peut se compliquer d'une bradycardie et d'un bloc auriculo-ventriculaire. La fréquence de survenue des arrêts cardiocirculatoires est indépendante du type d'inhibiteurs calciques (20 %). Cependant, ce sont les intoxications par le vérapamil qui ont le plus mauvais pronostic avec une mortalité de 25 % contre 7,4 et 7,1 % respectivement pour le diltiazem et la nifédipine [40] [41]. Les complications cardiovasculaires peuvent survenir très précocement dans un délai de 1 à 3 heures.
L'abus de cocaïne est en augmentation croissante depuis ces 20 dernières années. Parallèlement, le nombre de morts par intoxication à la cocaïne augmente. Le pronostic à la phase précoce de l'intoxication par la cocaïne semble lié aux troubles cardiovasculaires [42] [43] [44], mais peu d'études cliniques ont montré la corrélation entre les troubles cardiaques et le décès. La survenue de convulsions souvent rebelles a été également associée à l'évolution fatale [45] [46]. En effet, dans une série autopsique d'intoxication à la cocaïne, Mittleman et Wetli ont trouvé que des convulsions avaient précédé la mort dans plus d'un tiers des cas [45]. Parmi 46 patients « bodystuffers » admis aux urgences d'un hôpital de Chicago, il a été trouvé que seuls les deux patients décédés présentaient des convulsions et des troubles du rythme ventriculaire [46]. Le décès rapide, avant même la prise en charge, reste une éventualité fréquente au cours d'intoxication massive par cocaïne. En dehors de ces décès précoces, ce sont les effets systémiques souvent associés telles que l'atteinte cérébro-vasculaire, l'anoxie cérébrale, l'ischémie myocardique [47], la rhabdomyolyse et l'insuffisance rénale aiguë, l'ischémie mésentérique et l'hyperthermie qui peuvent aboutir au décès [48]. Récemment, Blaho et al. [49] ont cherché à savoir si les concentrations de cocaïne et de ses métabolites sont prédictives de la gravité. Ils n'ont trouvé aucune corrélation entre la concentration de cocaïne et de ses métabolites et la sévérité du tableau clinique, la nécessité de traitement actif ou le devenir des patients.
CHU_Hôpitaux de Rouen - 1 rue de Germont - 76031 Rouen cedex - tél. : 02 32 88 89 90 – www.chu-rouen.fr TRAITEMENT DES INTOXICATIONS PAR MÉDICAMENTS À EFFET STABILISANT DE MEMBRANE
Le traitement des intoxications graves est bien codifié, il fait appel à un traitement symptomatique, un traitement spécifique et une décontamination gastro-intestinale. Les indications de l'épuration extrarénale restent discutées sans qu'aucune étude prospective n'ait jamais établi son efficacité.
Il repose sur : · La ventilation artificielle en cas de coma, convulsions ou défaillance hémodynamique même du sujet conscient. · Un remplissage vasculaire par cristalloïdes ou colloïdes en cas d'hypotension ou comme traitement initial d'un état de choc. · L'administration de bicarbonate ou lactate de sodium molaire en cas de complexes QRS larges (> 0,12 s) et de collapsus. La quantité totale de bicarbonate ne peut cependant dépasser 1 L·j-1 en raison de la forte surcharge hydrosodée qu'elle induit. · Les catécholamines en cas de collapsus persistant, malgré le bicarbonate molaire, ou bien en présence d'un collapsus sans élargissement des complexes QRS supérieurs ou égaux à 0,12 s. La catécholamine de référence est l'adrénaline, éventuellement associée à la noradrénaline lorsqu'une étude hémodynamique révèle une composante de vasoplégie artérielle insuffisamment corrigée. · Un apport hydro-électrolytique adapté à l'état pulmonaire. L'hypokaliémie résultant d'un transfert ne nécessite pas de correction. · En cas de troubles de la conduction : l'entraînement électrosystolique. Le bloc auriculo-ventriculaire est du premier degré pour les intoxications par antidépresseurs tricycliques et résulte d'un bloc infra-hissien qui n'est pas corrigé par l'entraînement électrosystolique, il peut être de degré plus élevé pour les médicaments antiarythmiques et les bêtabloquants, pouvant nécessiter un entraînement électrosystolique. · En cas de troubles du rythme ventriculaire, les antiarythmiques à effet stabilisant de membrane sont à proscrire car ils majorent les signes d'intoxication. La mauvaise tolérance hémodynamique d'un trouble du rythme ventriculaire peut conduire à des chocs électriques externes. Le sulfate de magnésium peut être efficace pour prévenir les récidives. D'autres traitements ont été proposés : le glucagon est l'antidote des intoxications par les bêtabloquants, son efficacité a été prouvée, les doses peuvent atteindre 5 mg·h-1. Il est utilisé en association avec les catécholamines. Lors des autres intoxications, il est aussi utilisé en traitement d'appoint sans que son efficacité ait été réellement prouvée. Cependant la modicité de ses effets secondaires plaide en faveur de son utilisation lors des collapsus réfractaires. Dans les collapsus réfractaires, le chlorure de calcium est également utilisé, sans que son efficacité ait été prouvée. Il existe un risque d'hypoglycémie au cours de certaines intoxications (disopyramide, dextropropoxyphène, bêtabloquants) qui nécessite la perfusion de glucosé hypertonique. Les règles de la décontamination gastro-intestinale ont été récemment revues dans deux conférences de consensus américano-européennes. C'est la première fois qu'il est pris acte du fait qu'il n'est toujours pas démontré que ces traitements améliorent le pronostic des intoxications médicamenteuses. L'administration d'une dose unique de charbon activé doit être discutée pour un patient ayant ingéré une dose potentiellement toxique d'un médicament qui est connu pour être adsorbé par le charbon et ceci dans l'heure qui suit l'ingestion [50]. Les indications de l'administration répétée de charbon activé ont aussi été récemment précisées [51]. Des doses répétées de charbon activé peuvent être recommandées chez un patient ayant ingéré une dose potentiellement dangereuse des médicaments à effet stabilisant de membrane suivants : carbamazépine, quinine. Pour ces médicaments, il existe des données qui montrent une augmentation de l'élimination, bien qu'aucune étude contrôlée n'ait jamais démontré un bénéfice
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clinique. Bien que des études chez le volontaire sain aient démontré que les doses répétées de charbon activé augmentent l'élimination de l'amitriptyline, du dextropropoxyphène, du disopyramide, de la phénytoïne et du sotalol, les données cliniques sont insuffisantes aussi bien pour étayer que pour exclure l'utilisation thérapeutique de ces doses répétées de charbon activé. Des études cliniques et expérimentales ont montré que les doses répétées de charbon activé n'augmentent pas l'élimination des médicaments suivants : doxépine et imipramine. Cette combinaison thérapeutique est efficace dans la majorité des intoxications par effet stabilisant de membrane. Cependant, pour quelques intoxications particulièrement sévères, elle est insuffisante aboutissant au décès du patient. Les causes du décès sont bien individualisées, les patients décèdent : - soit de complications précoces, essentiellement d'origine cardiovasculaires, survenant dans les 24 premières heures : asystole ne répondant pas à l'entraînement électrosystolique, éventuellement précédée d'épisodes de troubles du rythme ventriculaire devenant de moins en moins sensibles au traitement ; troubles du rythme ventriculaire malins à type de tachycardie ou fibrillation ventriculaire réfractaire ; état de choc réfractaire principalement cardiogénique mais toujours avec une composante vasoplégique. L'état de choc précède le plus souvent ou est contemporain des troubles du rythme et de la conduction. Un petit nombre de patients évoluent vers un état de mort cérébrale. Ces patients ont tous fait un arrêt cardiaque et bien souvent, ils sont découverts en arrêt cardiaque par les premiers secours ; - soit de complications tardives, survenant au-delà des premières 24 heures, secondaires à une réanimation prolongée : encéphalopathie post-anoxique évoluant vers un état végétatif ; infections nosocomiales.
THÉRAPEUTIQUES D'EXCEPTION AU COURS DES DÉFAILLANCES CIRCULATOIRES D'ORIGINE TOXIQUE
La défaillance cardiocirculatoire est une des causes principales de décès au cours des intoxications aiguës. La mortalité globale des intoxications est inférieure à 1 % mais peut dépasser 10 % dans les intoxications par des substances cardiotoxiques telles que les antiarythmiques de classes I et IV [1]. En effet, malgré des mesures thérapeutiques optimales et l'utilisation des traitements antidotiques spécifiques, la défaillance circulatoire est parfois irréversible. Certains toxiques, tels les solvants, sont responsables de pneumopathies sévères, évoluant parfois vers un syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA) réfractaire aux traitements conventionnels [52]. Les techniques d'assistance circulatoire sont utilisées depuis de nombreuses années avec efficacité à la phase aiguë de l'infarctus du myocarde, compliqué d'état de choc ne répondant pas aux agents pharmacologiques [53]. L'agression cardiaque ou pulmonaire d'origine toxique étant le plus souvent transitoire et réversible, le recours à des techniques d'assistance circulatoire ou respiratoire extracorporelles devrait permettre de suppléer transitoirement la défaillance cardiocirculatoire ou respiratoire. L'objectif de l'assistance circulatoire est de mettre le cœur dans une situation de travail minimum, tout en assurant une perfusion tissulaire adéquate en attendant la récupération ou l'amélioration fonctionnelle myocardique. La défaillance cardiocirculatoire au cours des intoxications aiguës étant un phénomène dynamique transitoire et réversible, dépendant de la pharmacocinétique du toxique, il est ainsi tentant d'utiliser ces techniques d'assistance circulatoire pendant une période transitoire, jusqu'à ce que les effets cardiotoxiques aient régressé ou disparu. Dans de nombreux cas, les troubles cardiovasculaires ne sont présents que durant les 24 à 48 premières heures de l'intoxication et le patient peut survivre sans séquelle si une perfusion tissulaire adéquate peut être maintenue pendant cette période [54]. Ainsi, plusieurs cas d'intoxication par des substances cardiotoxiques ayant survécu sans séquelle après des arrêts circulatoires prolongés, de plusieurs heures parfois, traités par la réanimation cardiorespiratoire conventionnelle ont été rapportés [55] [56]. De même, des survies ont été rapportées avec l'utilisation de très fortes doses de vasopresseurs et d'agents inotropes permettant de corriger la dépression myocardique ou la vasodilatation [54]. Par ailleurs, le maintien d'une perfusion systémique pendant cette période critique devrait permettre de diminuer les concentrations du toxique au niveau des organes cibles, en maintenant ou en augmentant son élimination hépatique et/ou rénale [57]. Le premier « succès » de l'assistance circulatoire au cours d'une intoxication a été rapporté en 1968 chez une patiente en arrêt circulatoire par fibrillation ventriculaire et en hypothermie profonde suite à une ingestion massive de barbituriques [58]. Une trentaine de cas ont été rapportés depuis, mais les indications ne sont pas clairement définies.
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Quatre types d'assistance circulatoire ont été utilisés au cours des défaillances circulatoires d'origine toxique.
Contre-pulsion diastolique par ballon intra-aortique
Un cathéter comportant un ballon est introduit par voie percutanée dans l'artère fémorale, puis monté dans l'aorte ascendante, immédiatement en aval de l'artère sous-clavière gauche. Le gonflement diastolique du ballon va augmenter le flux sanguin destiné aux organes périphériques situés en aval, mais aussi en amont vers la racine aortique, favorisant la perfusion coronaire, et vers l'encéphale. Le dégonflement systolique réduit la pression intra-aortique protosystolique et la post-charge ventriculaire gauche. La contre-pulsion diastolique par ballon intra-aortique (CPBIA) est communément utilisée dans le choc cardiogénique sur infarctus du myocarde, le plus souvent associée à un geste de revascularisation. Les limites sont une inefficacité relative en cas de troubles du rythme incontrôlables et une inefficacité totale lorsque la pression artérielle est inférieure à 40 mmHg ou en cas d'arrêt circulatoire [53].
Assistance ventriculaire centrifuge
II s'agit d'un dispositif comportant une pompe centrifuge de type Bio-Medicus™ (Medtronics, Minéapolis, MN, États-Unis), une ligne artérielle et une ligne veineuse, et permettant une assistance temporaire soit mono- ou biventriculaire. Elle favorise la récupération d'une fonction contractile en diminuant le travail myocardique et la consommation d'oxygène [59].
Circulation extracorporelle conventionnelle par sternotomie
C'est la technique de circulation extracorporelle (CEC) normothermique en chirurgie cardiaque utilisant, après sternotomie et mise en place de canules dans l'oreillette droite et l'aorte ascendante, un système de pompe centrifuge et un oxygénateur à membrane. Sa limite principale est son caractère très invasif et la nécessité d'être réalisée au bloc opératoire. Elle n'est pas réalisable conjointement au massage cardiaque externe en cas d'arrêt cardiocirculatoire.
Circulation extracorporelle périphérique ou extracorporeal membrane oxygenation (ECMO)
La technique associe une pompe centrifuge de type Bio-Medicus™ (Medtronics, Minéapolis, MN, États-Unis), un oxygénateur à membrane, un échangeur thermique, une ligne artérielle et une ligne veineuse dont l'abord se fait par voie fémorale le plus souvent, parfois par voie cervicale chez l'enfant. L'abord vasculaire peut être réalisé par voie percutanée selon la technique de Seldinger ou par voie chirurgicale, indispensable en cas d'arrêt cardiocirculatoire. Dans des mains expérimentées, ce système peut être mis en place, au lit du malade en salle d'urgence, en réanimation ou en salle d'hémodynamique, en moins d'une heure.
Données expérimentales
Cinq études expérimentales ont montré l'efficacité de l'assistance circulatoire par ECMO dans les intoxications par antidépresseurs ou cardiotropes. Une étude a comparé chez le chien intoxiqué par la lidocaïne (30 mg·kg-1 en bolus) le traitement conventionnel par vasopresseurs, antiarythmiques et cardioversion (groupe contrôle) au traitement par ECMO pendant 90 minutes. Six des huit chiens du groupe contrôle sont décédés dans les 90 minutes suivant l'injection de lidocaïne. Les huit animaux traités par ECMO ont survécu. Dans ce dernier groupe, la clairance totale de la lidocaïne était similaire à celle observée chez huit chiens après administration d'une dose non toxique de lidocaïne (3 mg·kg-1). Ceci montre que le maintien d'un état hémodynamique satisfaisant par l'assistance circulatoire permet une métabolisation et une élimination normale de la lidocaïne [60]. Chez le porc anesthésié sous ventilation mécanique, l'intoxication par amitriptyline (perfusion de 0,5 mg·kg-1·min-1), administrée jusqu'à la survenue d'une hypotension inférieure à 30 mmHg, le traitement par ECMO seule pendant 90 à 120 minutes a été comparé au traitement symptomatique standard (bicarbonate de sodium et vasopresseurs) complété par massage cardiaque à thorax ouvert (groupe contrôle). Neuf animaux du groupe contrôle sont décédés
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alors que tous ceux du groupe traité par ECMO ont survécu, un seul ayant nécessité l'administration de néosynéphrine lors du sevrage de l'assistance circulatoire [61].
Données cliniques
Une grande majorité des cas cliniques publiés dans la littérature sont des cas isolés. Une seule équipe a publié une série de six cas [62] [63]. La plupart des observations concerne des intoxications par des substances à forte toxicité cardiovasculaire, parfois réfractaire au traitement conventionnel.
Observations isolées
Celles-ci concernent des intoxications par des substances ayant une cardiotoxicité par action stabilisante de membrane : antiarythmiques de la classe I, antidépresseurs tricycliques, bêtabloquants, chloroquine. Trois cas concernent le vérapamil, les autres étant des intoxications plus rares. Antiarythmiques de la classe I : quinidine [64] [65], prajmaline [66], disopyramide [67], flécaïnide [68] [69], bêtabloquants [70] [71] [72] ; chloroquine [73] ; antidépresseurs tricycliques [74] [75] ; vérapamil [76] [77] [78]. Autres toxiques : aconit [79], antihistaminiques [80] [81], organophosphorés [82].
Série d'observations
Une seule série d'assistances circulatoires extracorporelles réalisées par notre équipe a été rapportée [62] [63]. Parmi les six cas, quatre étaient des intoxications par des cardiotropes associés parfois à d'autres médicaments. Dans tous les cas, l'assistance circulatoire périphérique a été mise en œuvre alors que le patient était en arrêt cardiocirculatoire réfractaire, survenu en dépit d'un traitement pharmacologique adapté. Depuis cette publication initiale, nous avons pu prendre en charge neuf patients présentant un tableau d'intoxication grave aux cardiotropes (tableau I). La médiane de la durée d'ECMO a été de 72 heures (extrêmes : 48-240 h). Huit patients ont pu être sevrés de l'ECMO. Le patient 3 a présenté une ischémie aiguë du membre inférieur impliquée dans la canulation artérielle, ainsi lors des utilisations ultérieures un shunt artériel a systématiquement été posé préservant alors la vascularisation par la fémorale superficielle. Les patients ayant bénéficié d'un massage cardiaque long (patients 3 à 5) ont développé des troubles de la coagulation corrigés par l'apport adapté de produits sanguins stables et labiles. L'utilisation de circuit préhéparinés a permis de réduire le risque hémorragique. Les patients 3 et 6 ont bénéficié d'une hémodiafiltration en raison de l'apparition d'une insuffisance rénale. Le taux de survie global est de 55,5 %. Les patients 4, 5, 6 et 9 sont décédés respectivement de mort encéphalique, de saignement majeur, d'un syndrome de défaillance multiviscérale et d'un SDRA consécutif à une pneumopathie d'inhalation initiale ; aucun des patients survivants ne présentant de complications neurologiques. La durée médiane de ventilation a été de 5 jours (extrêmes : 3 à 16 jours). Les patients survivants furent transférés dans le service de psychiatrie. La durée médiane de séjour en réanimation a été de 8 jours (extrêmes : 2 à 70 jours).
Tableau I. Données concernant la prise en charge de neufs patients présentant une défaillance cardiocirculatoire majeure après intoxications médicamenteuses aux cardiotropes. Patient Âge Cardiotropes MCE
acétylsalicylique (15 g), méprobamate (4 g), alprazolam (10 mg), paracétamol (16 g)
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MCE : massage cardiaque externe ; ECMO : extracorporeal membrane oxygenation ; VV : vivant ; DCD : décédé.
QUELLE EST LA PLACE DE L'ASSISTANCE CIRCULATOIRE ?
Bien que peu nombreuses, les données de la littérature montrent indéniablement l'intérêt de l'assistance circulatoire au cours des défaillances circulatoires graves d'origine toxique. Les cinq études chez l'animal sont de très bonne qualité et démontrent que l'assistance circulatoire instaurée en cas de choc sévère ou même après survenue d'un arrêt circulatoire restaure un état hémodynamique satisfaisant et permet la survie des animaux, alors que les mesures maximales de réanimation conventionnelle sont inefficaces. Malgré les biais inhérents à la publication préférentielle de succès et le faible nombre d'observations, les données rapportées chez l'homme confirment aussi l'efficacité et l'intérêt de l'assistance circulatoire instaurée dans des circonstances héroïques et désespérées.
Quelle technique d'assistance utiliser ?
Dans les cas cliniques rapportés, la durée de l'assistance circulatoire a été en moyenne de 48 heures. En cas d'arrêt cardiaque, seules la CEC conventionnelle ou l'ECMO sont utilisables. Cette dernière, présente d'indéniables avantages, comme sa rapidité de mise en œuvre (même au lit du patient). Dans la série de cas pris en charge par la même équipe, le délai moyen entre la survenue de l'arrêt cardiaque et le début de la CEC était de 78 minutes [62]. Dans les autres cas, il variait de 30 à 90 minutes. Lorsque l'indication d'une assistance circulatoire a été posée, l'ECMO semble donc être la technique de choix, elle est moins invasive et permet une assistance plus prolongée. La précocité de sa mise en route avant la survenue de lésions anoxiques ou d'un choc irréversible est déterminante pour son efficacité. La CPBIA n'est pas utilisable en cas d'arrêt cardiaque ou de troubles du rythme sévères. Bien que peu utilisée (quatre cas), elle a permis de passer le cap d'un choc réfractaire. Il n'est pas exclu que, utilisée plus précocement dans les chocs ne répondant pas rapidement aux mesures thérapeutiques maximales, elle permette d'améliorer l'état hémodynamique et d'éviter l'évolution vers l'arrêt circulatoire, d'autant plus que cette technique est plus facilement disponible et moins invasive. En pratique, le recours à une technique d'assistance circulatoire dépend de l'environnement médico-technique et de la possibilité d'une mise en place rapide avant l'évolution vers un choc réfractaire ou la survenue d'une anoxie cérébrale irréversible.
Les indications sont essentiellement les intoxications par des cardiotropes dont les troubles cardiovasculaires ne sont pas toujours corrigés par des mesures thérapeutiques maximales. Il s'agit principalement des toxiques ayant un effet stabilisateur de membrane et les antiarythmiques. En raison de la survenue très précoce de troubles cardiovasculaires graves liés à l'absorption très rapide de ces toxiques, la prise en charge initiale est déterminante pour l'évolution. Celle-ci inclut le monitorage cardiovasculaire, la ventilation mécanique, les catécholamines (à fortes doses si nécessaire), les sels de sodium hypertoniques pour les stabilisants de membrane, le glucagon pour les bêtabloquants.
CONCLUSION
Les éléments décisionnels permettant de poser l'indication d'une assistance circulatoire au cours d'une intoxication aiguë sont [57] [83] : a) la sévérité des troubles cardiovasculaires ; b) l'absence d'amélioration avec des mesures thérapeutiques conventionnelles maximales ; c) la présence d'une cardiopathie sous-jacente (ischémie myocardique) qui est un facteur aggravant et qui pourrait être améliorée par l'assistance circulatoire ; d) la réversibilité de la défaillance cardiovasculaire ; e) l'absence de contre-indication liée à la
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technique (abord vasculaire, héparinisation efficace). Lorsque l'indication est posée, la mise en œuvre d'une assistance circulatoire avant la survenue de lésions anoxiques cérébrales ou viscérales irréversibles est fondamentale. Ceci implique une coordination préalable entre les différentes équipes médicochirurgicales, seule garante de succès éventuels.
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Addiction Medicine Physician www.drchristianrowan.com.au Pain Management & Rehabilitation Alcohol abuse and treatment What is alcohol? Alcohol is a drug that slows down the brain and nervous system. It is the most widely used drug in Australia. Drinking a small amount is not harmful for most people, but regularly drinking a lot of alcohol can cause health, personal, and social
Fachärztin fu ̈ r Ophthalmologie FMH/FEBO, spez. Ophthalmochirurgie Persönliche Angaben Geboren am 19. Dezember 1972 in Zu ̈ rich Verheiratet, 1 Kind Berufliche Erfahrung Augenklinik, Universitätsspital Zürich Oberärztin, Leiterin der Hornhautabteilung und Augenbank · Hornhautsprechstunde, inkl. einer refraktiven Sprechstunde (mit PD Dr. Isaak Schipper)· Koordination und Durc